Le 2 novembre dernier, retrouvaille avec les grandes dégustations du Passeur de Vin, à l’hôtel Richemond sur les rives du lac Léman, à Genève. Une belle dégustation en perspective : entre vignerons suisses précurseurs, grands crus bourguignons et champagnes d’artisans, sur le papier, la dégustation s’annonçait particulièrement exceptionnelle. Elle est organisée pour aller crescendo, mais rien n’empêche d’avoir de très belles surprises avec de jeunes vignerons locaux.
Par exemple, les vins de la Maison du Moulin, gérée par le jeune Yannick Passas, vigneron rock‘n’roll. Yannick est installé à Coinsins, dans le canton de Vaud, depuis 2009. Il travaille sur une quinzaine d’hectares, souvent porté là où l’opportunité de travailler de vieilles vignes se présente. Pendant les premières années, il se concentra sur les sols des vignes souvent fatigués par une conduite en viticulture conventionnelle par de précédents propriétaires. Il souhaita en priorité y rééquilibrer la vie microbienne pour ensuite partir sur la culture biodynamique qu’il pratique depuis 2014 sur l’ensemble du vignoble – et avec des résultats toujours plus encourageants tant au niveau de la santé du vignoble que de l’expression des raisins. Bien évidemment, à la Maison du Moulin, le travail est cohérent à toutes les étapes, les plantes utilisées en tisane, décoction ou pulvérisation poussent sur le domaine. Il en va de même pour les composts qui sont préparés sur place. Dans les vins de Yannick, on retrouve son engagement, cette cohérence, l’identité des différentes parcelles. Il y a les Vins de Pays, Alpha ID, des vins gourmands à souhait, sur le fruit capturé par une mise en bouteille sur la jeunesse, qui ne devraient sortir qu’en magnum tellement c’est bon (l’assemblage Gamay-Gamaret est vraiment délicieux !). Puis les AOC La Côte, des vins de gastronomie, alliant fraîcheur, élégance et longueur. Le Pinot noir Origine est un bel exemple de ce travail en quête d’expression de chaque parcelle. Dans chaque vin, on retrouve ce travail d’orfèvre de façon constante sur l’ensemble des terroirs de la Maison du Moulin.
Il y avait d’autres chouettes domaines suisses présents au salon :
- Le Domaine Mermoud à Lully, dans la campagne genevoise, dont j’ai déjà parlé des vins et dont je vous parlerai bientôt du millésime 2016 car Damien Mermoud m’a informé qu’une dégustation du millésime était prévu à la fin novembre au domaine (un beau millésime apparemment, mais, chut, je ne vous ai rien dit !).
- Le Domaine de Beudon et Marion Granges, à Fully dans le Valais. Le domaine est un pionnier de la biodynamie en Suisse (depuis 1993) et des pratiques cohérentes telles que l’utilisation de levures indigènes. Des vins précis, intenses, équilibrés, lumineux… fabuleux ! Mention spéciale à la Cuvée Constellation 2007, tout en relief et qui goûte parfaitement dès maintenant pour accompagner les plats d’automne.
- La jeune Valentina Andrei, installée dans le Valais, qui est passée par chez Marie-Thérèse Chappaz et à qui le Passeur de Vin a récemment dédié une dégustation. Valentina est passionnée par les cépages autochtones qu’elles réinterprète avec un talent prometteur. Ses vins sont taillés pour la garde (le Roussane Marsanne, en autres) mais rien n’empêche de se faire plaisir dès maintenant, en prévoyant un long carafage tout de même ! Valentina propose également un très (très) beau chasselas vieille vigne à un prix tout doux pour le Valais (20 CHF au domaine).
- Le domaine de Phusis (Steve Bettschen) dont je fus impressionné par les blancs (Riesling et Arvine) d’une tension à couper le souffle ! Des vins extrêmement racés, la minéralité est l’essence de ces vins vifs et salins.
Toute cette diversité locale fut suivie d’un marathon bourguignon, des domaines principalement situés en Côtes de Beaune et dans le Mâconnais : Domaine de la Cadette et ses très beaux Vezelay vivifiants, Domaine Bonnardot, Domaine Marc Morey, Antoine Jobard, Domaine Robert Denogent représenté par le trublion Antoine Robert, et bien d’autres. J’en retiendrai un bel échange avec Pierre Fenals, néo-vigneron de 60 ans, dont on voit apparaître les vins sur de très belles tables ces dernières années. Passionné de biodynamie qu’il expérimente dès le milieu des années 80 sur des terres agricoles familiales en Auvergne, Pierre s’est installé en Bourgogne en 2009 avec le souhait de travailler autant en rouge qu’en blanc, Saint Aubin semblait donc tout indiqué ! Il travaille aujourd’hui sur quelques hectares lui appartenant et d’autres qu’il gère selon les mêmes principes que ses propres vignes : toute l’attention est portée aux sols qui sont les bases du travail en biodynamie (en cela, Pierre partage et échange beaucoup avec Yannick Passas). Le domaine de Pierre Fenals a été baptisé la Maison en Belles Lies, joli jeu de mots et clin d’œil à d’anciens écrits monastiques où il était question de « garder les belles lies », en référence à l’élevage des vins. En blanc, Monthélie (2015) est issus de vignes d’une quarantaine d’années sur des terroirs calcaires en haut de parcelle (à l’inverse du Santenay) et élevé une quinzaine de mois dans de petites et anciennes barriques de chêne. En résultent précision, finesse des arômes et acidité bien maîtrisée. C’est un vin tout en longueur avec des réminiscences ligériennes. En rouge, l’Aloxe-Corton et le Corton-Perrière Grand Cru (2015 et 2014) ont un beau potentiel de garde, mais il sera difficile de s’y tenir tellement ils sont déjà plaisants ! Chapeau bas, Monsieur Fenals !
Après une halte au stand des frères Danjou du Domaine Danjou Banessy, installés dans les Côtes catalanes à Espira-D’Agly, qui produisent des vins gourmands trouvant de plus en plus d’amateurs (et que je conseille de mettre de côté 4 ou 5 ans pour en profiter pleinement), j’ai fait la connaissance des vins de Catherine Bernard et de la vigneronne elle-même ! Ancienne journaliste reconvertie dans le vin depuis 2005, Catherine s’est installée sur environ 4 hectares à Restinclières dans l’Hérault où elle produit 3 cuvées en rouge à base de Carignan, cépage emblématique de la région ainsi que Cinsault, Grenache, Marselan, Mourvédre et Terret Bouet qu’elle travaille sur différents terroirs avec le souci d’être au plus près de leur expression. Pour ce faire, elle a toujours travaillé en bio, influencée par les pratiques de la biodynamie. Elle se concentre uniquement sur les rouges car elle n’est pas satisfaite des cépages proposés en blanc par les AOC locales qui n’ont, selon elle, rien à voir avec le climat et l’histoire viticole de la région. Mais ses rouges, travaillés tout en dentelle, remplace tout à fait la subtilité de blancs que Catherine pourrait produire un jour. A suivre…
Enfin, les jurassiens Stéphane Tissot et Fabrice Dodane ont représenté avec élégance et authenticité le Jura d’aujourd’hui. Des vins parfaits pour la saison à venir, à accompagner de fromages affinés ou fondus et de viandes mijotées.