Après avoir récemment goûté les vins de Julien Guillon que je suivais assidûment sur les réseaux sociaux depuis quelques mois maintenant, j’ai eu très envie de m’entretenir plus longuement avec cet électron libre nouvellement arrivé dans le paysage viticole suisse. Surtout, le rencontrer au milieu de ses vignes dans le Valais où il s’est installé en 2016. C’est chose faite. Les Vins Célestes ont touché les étoiles du bout des doigts dans ces vignes d’altitude perchées sur des coteaux abruptes où Julien vient de produire son premier millésime.
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En cette fin d’après-midi, sur les coteaux surplombant Fully dans le Valais, un canton suisse qui abrite parmi les plus talentueux vignerons du pays, le week-end de Pâques s’annonce particulièrement rigoureux. La neige est encore bien présente au-dessus des vignes qui montent jusqu’à 900 mètres d’altitude. Cette année, ce froid tardif permet à Julien Guillon d’étaler les derniers travaux de taille sur les deux hectares acquis depuis peu avant le réveil de la vigne dans les semaines à venir.
C’est ici que j’ai rendez-vous avec Julien, à Buitonnaz, au cœur de ses nouvelles parcelles qui lui permettront de proposer d’autres cuvées sur le prochain millésime avec 9 cépages supplémentaires tels chardonnay, pinot gris ou merlot. Julien arrive dans son vieux Nissan Patrol accompagné d’Heidi, un berger australien, compagnon des journées en solitaire à la vigne. Après m’avoir fait remarquer mon quart d’heure de retard à sa manière, franche et cordiale, les présentations étaient faites ! Nous pouvons débuter notre conversation dans ce vignoble au panorama vertigineux.
Julien est un garçon guidé par sa passion et ses ambitions, et les récents retours sur la dégustation de son premier millésime lui ont donné des ailes. Les amateurs se sont bousculés pour goûter des vins déjà rares lors de ses récentes participations aux salons Vins Vivants à Fribourg, organisé par Jean-Marc Dedeyne et Pierre Jancou, et Pur Jus à Paris organisé par Fleur Godart et Thomas Dureau. Suite à ces événements, le bonhomme aurait pu alors avancer sereinement en se disant que sa voie était tracée, mais ce n’est pas son genre. Porté par la citation de Picasso « L’action est la première marche vers le succès », Julien a besoin de challenges pour démontrer au quotidien la qualité du travail accompli. Et sa tête fourmille de projets pour les années à venir !
Genevois d’origine, Julien a suivi un cursus à l’école viticole de Beaune. Après un passage chez Gilles Bogaerts, un caviste genevois qui lui ouvrit les portes du vin naturel, il fut accueilli par Marc Balzan du Domaine de Chérouche, un vigneron qui produit parmi les plus beaux vins du Valais, pour apprendre à ses côtés. A bonne école donc pour appréhender les subtilités des terroirs et des cépages locaux ainsi que le travail en biodynamie et en vinification naturelle. Après une année passée auprès de Marc, ce dernier propose à Julien de gagner en indépendance en travaillant ses propres vignes en fermage et produire sa première cuvée, vinifiée entièrement au domaine de Chérouche. Il va sans dire que Julien a sauté sur cette merveilleuse occasion pour exprimer toute sa sensibilité en travaillant Pinot noir, Chasselas, Gamaret, Petite Arvine et Amigne. Le tout selon la « Méthode agricole de Rudolph Steiner », jolie mention apparaissant sur les bouteilles de sa première cuvée, sous-entendant poétiquement « biodynamie en attente de certification » !
Dans la continuité du travail au domaine de Chérouche, sa manière d’aborder la vigne se rapproche du chamanisme : l’importance d’établir une communication avec le végétal pour maintenir un niveau de collaboration intime avec la vigne afin d’obtenir de beaux raisins et d’éviter tout déséquilibre propice aux maladies ; de travailler avec les énergies des pierres selon les principes de la lithothérapie, d’être attentif au monde suprasensible (perception du vivant). Ce travail tout en conscience se ressent dans des vins limpides et vibrants dont se dégage une très belle énergie avec un supplément d’âme propre au grands artisans guidés par leurs intuitions.
Après quelques années difficiles dans son chemin de vie, Julien a trouvé refuge dans les montagnes valaisannes, entre vignobles pentus et pics acérés. Solide, lucide et bien ancré dans son terroir, ces qualités essentielles l’ont probablement aidé à résister à un environnement extrême ainsi qu’à des regards parfois hostiles au moment de son installation.
Aujourd’hui, Julien vit son projet viticole avec une intensité que j’ai rarement observé. Il y a une sorte d’urgence à mener son travail de vigneron mais aussi une joie communicatrice. Bien que la première année fût, comme chez tout vigneron récemment installé, un cap difficile à franchir avec ses doutes et ses incertitudes quant à l’avenir, Julien a enfin trouvé des solutions qui lui permettront de continuer son aventure viticole pour les prochains millésimes. Ainsi, il va pouvoir se concentrer sur ses vinifications dans de meilleures conditions dès l’année prochaine et travailler, par exemple, avec des cuves tronconiques ou vinifier dans une belle cave voutée louée sur la commune de Sierre.
Nous terminons d’ailleurs notre entretien dans ce bel endroit où nous improvisons un apéro dégustation entourés de son premier millésime en attente d’étiquetage avant de partir courant avril chez plusieurs cavistes européens ainsi qu’aux États-Unis. Le tout étant déjà réservé pour cette année. De bonne augure pour la suite de l’aventure du Domaine Julien Guillon !
La dégustation
Julien travaille en mono cépage, idéalement en cuvée parcellaire. Du raisin, que du raisin ! Enfin presque… Beaucoup d’émotions également ! Des vins qui en disent plus sur le vigneron qu’il ne voudrait nous en dévoiler.
Cuvée Matéo – Une cuvée issue de vieilles vignes de Pinot Noir de 1962 sur des coteaux très pentus. Travail conséquent en amont pour pouvoir redonner vie à cette parcelle. Une belle vendange mais de très faible rendement (175g/m2) pour le premier millésime en 2017. Macération semi-carbonique et grappes entières pour partie. Un vin tout en dentelle, avec un fruit qui claque en bouche. Hyper digeste et addictif. Un vin qui appelle les charcuteries affinées et les repas qui s’éternisent.
La Chute – Cuvée 100 % Gamaret dont le nom est issu d’une anecdote sur la parcelle : un joli roulé-boulé de Julien en amont de la parcelle ! De beaux tannins tout en souplesse, un vin gourmand sur sa jeunesse et une longueur qui annoncent de bonnes surprises à qui saura en garder quelques bouteilles pour les années à venir. Un vin à réserver pour les belles pièces de bœuf ou les gibiers en sauce.
Mes Deux Douces – 80% Chasselas et 20% Petite Arvine. Pureté… Une belle expression de son terroir valaisan tout en fraicheur légèrement salivante juste pour donner envie d’y revenir ! Pour les sashimis ou les poissons de rivière cuisinés au plus près de la nature.
Je n’ai pas encore goûté Mes Amignes (100% Amigne) mais ne manquerai pas d’en parler à l’occasion lors d’un prochain article !
Domaine Julien Guillon
Route La Villa, 40
1966 Argnou
Suisse
+41 (0)76 81 75 815
domainejulienguillon@gmail.com
www.domainejulienguillon.com
Très bel article, jolies photos qui donnent envie de découvrir cette région.